Urinoirs féminins

Conception et construction d’urinoirs pour des festivals

 

Commanditaire et Partenaires :

Nigloo

Pelpass

Eurometropole de Strasbourg

Temporalité du projet :

Printemps 2023

Localité :

Strasbourg et Bas Rhin

Outils et compétences :

Chantier participatif


 
 

LE PROJET EN RESUME

En janvier, grâce à une subvention de l’Eurométropole de Strasbourg, l’Atelier Na a commencé à travailler avec Nigloo sur un projet de conception et de construction d’urinoirs féminins.

Le projet est né d’un constat : les urinoirs ont de nombreux avantages par rapport aux cabines de toilettes classiques (gain de place et temps d’utilisation réduit), mais ils restent en grande majorité réservés aux hommes. Nous avons donc décidé de concevoir des modules d’urinoirs destinés aux femmes et utilisables pendant des événements extérieurs (comme des festivals).

À cette idée de départ s’est ajouté un autre enjeu : celui de la valorisation organique de l’urine. En optant pour un système de toilettes sèches, fonctionnant sans papier ni sciure, nous avons pu construire des urinoirs zéro déchet et collecter l’urine pour l’utiliser comme fertilisant.

C’est à l’occasion du Pelpass festival, en mai 2023, que nous avons pu lancer notre premier prototype.

 
 
 

La genèse du projet

Les enjeux du traitement des déchets organiques humains sont bien connus (énergie nécessaire au retraitement, valorisation de la matière organique, transport, etc.).

Les toilettes dites « sèches », à comprendre sans eau, font partie des solutions les plus plébiscitées, puisqu’elles diminuent à la fois la consommation d’eau et le volume de déchets à traiter. L’association Nigloo travaille sur ce type de produits depuis plus de 10 ans.

Leur flotte de toilettes sèches comprend aujourd’hui des WC PMR, des WC cabines et des urinoirs en gouttière pour position debout. Bien que ces urinoirs puissent être utilisés par des femmes avec des « pisse-debout », ils sont très largement fréquentés par des hommes et la plupart des femmes n’osent pas y aller.

Les urinoirs ont plusieurs avantages par rapport aux cabines classiques : 
   – ils prennent moins de place, on peut donc en installer plus sur une surface identique
   – leur utilisation est plus rapide, il n’est pas nécessaire de s’asseoir ni de se déshabiller
   – ils ne nécessitent pas d’eau ni de sciure : le volume à traiter est donc uniquement composé d’urines

En festival, les toilettes sont principalement utilisées pour uriner. La démultiplication des urinoirs représente donc un enjeu majeur. Or ceux-ci sont pour le moment presque exclusivement réservés aux hommes.

C’est ce constat qui a lancé le projet avec un objectif principal : rendre les urinoirs accessibles aux femmes.

 
 
 
 

La conception du projet

Bien que les urinoirs féminins soient peu visibles et présents dans les manifestations grand public, il en existe plusieurs types. La plupart d’entre eux utilisent de l’eau, mais on trouve plusieurs solutions sèches.

Nous les avons présentées aux femmes de notre entourage pour leur demander leur avis et recenser leurs éventuelles réticences. Certaines d’entre elles nous ont dit ne pas être à l’aise avec les urinoirs féminins pour des raisons de propreté, d’intimité ou encore de praticité. C’est donc sur la base de ces retours que nous avons développé notre prototype.

Nous avions d’abord pour projet d’utiliser des matériaux de réemploi, mais Nigloo avait toujours travaillé avec du bois. Nous les avons donc suivis pour que leur flotte conserve sa cohérence et parce que cela nous permettait d’utiliser des matériaux biosourcés

Pour notre projet, nous avons cherché un événement grand public reconnu sur le territoire de l’Eurométropole parmi ceux organisés par nos partenaires et c’est le Pelpass festival qui a retenu notre attention.

L’idée était de proposer plusieurs prototypes et de profiter du retour d’expérience des festivalières pour pouvoir ensuite les compléter/améliorer. Un chantier participatif était prévu pendant le montage du festival, pour faire parler du projet en amont.

 
 
 
 

Le calendrier

• Janvier 2023 : la conception

   Pendant cette première période, nous nous sommes renseignés sur les offres existences et nous avons expérimenté différentes formes d’urinoirs avec des positions d’assises et des systèmes de collecte d’urine variés.
   Deux scénarios ont retenu notre attention : 
– un système de cabines individuelles avec des urinoirs en inox. Cette solution diminue peu le temps passé aux toilettes et l’encombrement sur site est relativement similaire à celui des cabines classiques. En revanche, elle permet de garantir l’intimité, ce qui nous a semblé indispensable pour une première expérience ;
– un système de box ouverts avec gouttière de collecte. Cette solution est beaucoup plus déstabilisante en termes d’utilisation et de préservation de l’intimité, mais le temps passé aux toilettes est plus court et l’encombrement sur site est relativement similaire à celui des urinoirs masculins. 
   Nous avons décidé de nous focaliser en priorité sur le premier prototype et de construire le deuxième directement sur site en fonction du budget restant.

• Avril 2023 : la construction

   Une fois les plans de notre premier prototype terminés, nous avons pu commencer la construction des cabines avec Nigloo dans leurs locaux. 
   Nous avons construit des modules composés de deux cabines trapézoïdales. Au sol, du contreplaqué noir antidérapant assure une bonne stabilité et un nettoyage facile. Les cloisons et la porte rehaussée sont en structure bois massif et en contreplaqué. Le plafond est en polycarbonate afin d’assurer l’étanchéité et l’éclairage de la cabine. Des systèmes de clips permettent de monter et démonter facilement l’ensemble à une seule personne. Une fois les modules montés, il est possible de les assembler afin de former un octogone.
   Nous avons pu réaliser trois modules de deux toilettes, ce qui nous a permis de tester six urinoirs pendant le festival Pelpass. Cette conception modulaire permet d’adapter l’installation à l’événement en jouant sur le nombre de cabines installées.

• Mai 2023 : la peinture et l’exploitation au Pelpass Festival

Dans un premier temps, Nigloo est venu monter les modules à l’emplacement du festival, au Jardin des Deux rives. Nous avons ensuite organisé un chantier participatif en mixité choisie sans hommes cisgenres pour peindre les façades visibles par le public.
   Le motif a été réalisé avec de la peinture à la farine, une technique facile d’utilisation, résistante et non polluante. Le visuel avait déjà été choisi en amont et le chantier participatif consistait à le reproduire à l’échelle 1 sur les urinoirs.
   Nous avons également construit le deuxième prototype, mais les finitions n’étaient pas satisfaisantes et il a été décidé qu’il ne serait pas ouvert au public.
   Durant le festival, l’une des bénévoles de l’association, Esther, était présente sur certains créneaux, relayée par une membre de Nigloo, pour faire de la pédagogie autour du projet. Elle a également pu collecter les différents retours des utilisatrices.

 
 

L urinoir feminin Marcelle

 
 

Le bilan du projet

À travers ce projet nous avons réussi à atteindre plusieurs de nos objectifs.

   Nous avons construit un module prototype composé de six urinoirs féminins, qui a pu être testé au Pelpass festival, mais aussi lors du festival des Pelouses Sonores sur le même terrain et lors de plusieurs autres événements pendant l’été. Pour la construction, nous avons utilisé une majorité de matériaux biosourcés.
   La valorisation organique de l’urine a pu être mise en place. Il n’y avait ni papier ni sciure dans les urinoirs, l’urine était donc directement récupérée dans la cuve pour ensuite être utilisée comme fertilisant. Ainsi, il y avait zéro déchet produit.
   Par ailleurs, nous n’avons pas de chiffre précis sur le temps gagné, mais il est certain que le temps passé dans les urinoirs est plus court que celui passé dans des toilettes classiques. 

   Ce projet a aussi été l’occasion pour nous de tester de nouvelles manières de travailler avec de nouveaux acteurs.
Plusieurs points très positifs sont à retenir de notre côté.
• Partenariat avec Nigloo : Cela faisait plusieurs années que nous voulions travailler avec Nigloo. Nous nous étions rencontrés à la Maison Mimir en 2016 et nous nous sommes côtoyés depuis sur différents événements. Ce projet nous a permis de collaborer sur des problématiques qui nous concernent et nous espérons avoir d’autres occasions de travailler ensemble.
• Un des premiers festivals français avec des urinoirs féminins : Cette subvention a permis la réalisation d’urinoirs féminins pour un festival accueillant plusieurs milliers de personnes. Il existe encore très peu d’événements de cette taille disposant de ce type d’équipements, même au niveau mondial. C’est donc un véritable enjeu politique de proposer ce service et de le démocratiser au maximum !
• Travailler avec des festivals : En 2019 et 2020, nous avons commencé à faire des installations scénographiques pour des festivals. Cette dynamique a été interrompue par la Covid. Travailler avec Pelpass et Nigloo nous a permis de réactiver notre réseau et d’imaginer de nouveaux projets pour 2023/2024.
• Le chantier participatif en non-mixité : Ce projet a aussi été l’occasion d’organiser notre premier chantier participatif en non-mixité. Sarah et Delphine ont ainsi accompagné 5/6 femmes pour le montage et la peinture des toilettes sur site. 
• L’espace de non-mixité : C’est le bonus surprise de ce projet ! Nous avons eu des retours de plusieurs personnes sur un effet que nous n’avions pas anticipé : les urinoirs féminins créent un espace en non-mixité. De nombreuses femmes nous ont expliqué qu’elles sont venues dans la file des urinoirs, pourtant plus longue, parce qu’elles voulaient être dans un espace interdit aux hommes et que c’était un moyen d’éviter des situations de harcèlement. La file d’attente des urinoirs a donc créé un espace dit « safe », chose très importante dans un festival.

 
 
 

Les perspectives

Si certains des objectifs du projet ont été atteints, il reste encore de nombreux défis à relever et de nouveaux enjeux à creuser !

• Démocratiser les urinoirs féminins : Cette mission est plutôt celle de Nigloo qui doit arriver à vendre cette prestation aux festivals. Il est donc important que les utilisatrices aient connaissance de l’existence de ces urinoirs et qu’elles fassent remonter aux festivals que des solutions existent, qu’elles fonctionnent et qu’elles souhaitent pouvoir en profiter. Nous avons aussi pour projet de diffuser gratuitement les plans du prototype pour permettre leur utilisation par d’autres collectifs. Nous les avons déjà transmis à un festival en Nouvelle-Zélande, Twisted Frequency.

• Augmenter le nombre de toilettes dans l’espace public : L’un de nos autres objectifs serait la mise en place de ce type d’urinoirs dans les espaces communs au titre de toilettes publiques. Nous aimerions pouvoir en proposer pendant des moments stratégiques, au Marché de Noël par exemple.

• Continuer à travailler avec du bois : Un des enjeux de ce projet est la question sanitaire. On critique régulièrement les systèmes en bois car ils pourraient absorber les urines et donc ne pas être propres sur le long terme. Nous sommes persuadés qu’il est possible de travailler avec le bois de manière saine pour ce type d’équipements et nous voulons continuer à promouvoir cette approche

• Finaliser le modèle à gouttière : Une des frustrations du projet est que nous souhaitions mettre en place deux ou trois prototypes et que nous avons finalement uniquement installé un modèle. Nous souhaiterions pouvoir retravailler le deuxième modèle que nous avions sélectionné qui offre une expérience différente et qui permet un gain plus important de temps et d’espace. 

• Créer un système de montage/démontage aisé : Étant dans une logique de pérennisation de leur activité, les membres de Nigloo cherchent à optimiser leur processus et à gagner du temps dans leurs installations. Nous avons donc étudié différents systèmes de montage rapide, en solo ou en duo. Des premières solutions ont été trouvées, mais nous sommes persuadés que nous pouvons aller plus loin. 

• Travailler l’esthétique de façade : Nous souhaiterions pouvoir retravailler l’esthétique de façade pour développer une identité reconnaissable, qui puisse se décliner de différentes manières.

• Réfléchir à des dispositions possibles pour associer plus de six urinoirs : Le modèle que nous avons construit pour le Pelpass est composé de trois modules de deux urinoirs, agencés en hexagone. Il serait cependant possible de les agencer différemment pour en associer dix ou douze et nous voulons y réfléchir pour pouvoir participer à des événements plus importants et proposer des solutions adaptées à chaque espace

Les améliorations possibles

Nous avons reçu plusieurs demandes des utilisatrices de nos urinoirs féminins :
– ajout d’une tablette et/ou d’un crochet pour poser son verre et son sac
– ajout d’une fiche explicative/communication pour la bonne utilisation des toilettes (autre que des stickers)
– ajout de poignées pour mieux tenir en squat.
Nous prendrons donc en compte ces différentes demandes pour nos prochains prototypes.

En définitive, ce projet aura été l’occasion pour nous de nous confronter à de nouveaux enjeux à la fois architecturaux, féministes et écologiques et nous espérons avoir l’occasion de continuer à le développer sur le long terme !